Vous nous en direz des nouvelles ...


1. Émile Zola, « Une Cage de Bêtes féroces », 1883

Un matin, un Lion et une Hyène du Jardin des Plantes réussirent à ouvrir la porte de leur cage, fermée avec négligence.

La matinée était blanche et un clair soleil luisait gaiement au bord du ciel pâle. Il y avait, sous les grands marronniers, des fraîcheurs pénétrantes, les fraîcheurs tièdes du printemps naissant. Les deux honnêtes animaux, qui venaient de déjeuner copieusement, se promenèrent avec lenteur dans le Jardin ...

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4. « N’en soyez pas si sûr... » nouvelle publiée dans le recueil de Quim Monzó intitulé L’Ile de Maians, 1994

Un jour de septembre à onze heures du matin, monsieur A, chef du personnel, fit appeler I. Celui-ci était en train de servir un client qui n’arrivait pas à se décider entre un imperméable gris et un imperméable beige.

La vente finie, I monta rapidement. Comme d’habitude, à côté de la machine à café, il vit O qui parlait avec une des modistes. O lui dit de ne pas courir comme ça, qu’il faut toujours faire attendre les patrons. I ne sut que lui répondre ; il marmonna des mots incompréhensibles et continua à monter les escaliers. Il ne savait pas pourquoi le chef du personnel le faisait appeler...

7. Marguerite de Navarre, trente-deuxième nouvelle, Heptaméron, 1558

Le Roi Charles, huitième de ce nom, envoya en Allemagne un gentilhomme, nommé Bernage, Seigneur de Sivray, près d’Amboise, qui pour faire bonne diligence n’épargnait ni jour ni nuit pour avancer son chemin, si bien que, un soir, bien tard, il arriva au château d’un gentilhomme, où il demanda logis : ce qu’il put avoir à grand peine...

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10. Prosper Mérimée, « Mateo Falcone », Les Armes secrètes, 1959

En sortant de Porto-Vecchio et se dirigeant au nord-ouest, vers l'intérieur de l'île, on voit le terrain s'élever assez rapidement, et après trois heures de marche par des sentiers tortueux, obstinés par de gros quartiers de rocs, et quelquefois coupés par des ravins, on se trouve sur le bord d'un maquis très étendu. Le maquis est la patrie des bergers corses et de quiconque s'est brouillé avec la justice. Il faut savoir que le laboureur corse, pour s'épargner la peine de fumer son champ, met le feu à une certaine étendue de bois : tant pis si la flamme se répand plus loin que besoin n'est ; arrive que pourra...

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2. Guy de Maupassant, « La Ficelle », 1883

Sur toutes les routes autour de Goderville, les paysans et leurs femmes s'en venaient vers le bourg, car c'était jour de marché. Les mâles allaient, à pas tranquilles, tout le corps en avant à chaque mouvement de leurs longues jambes torses, déformées par les rudes travaux, par la pesée sur la charrue qui fait en même temps monter l'épaule gauche et dévier la taille, par le fauchage des blés qui fait écarter les genoux pour prendre un aplomb solide, par toutes les besognes lentes et pénibles de la campagne...

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5. Richard Matheson, « Le Jeu du bouton », 1970

Le paquet était déposé sur le seuil : un cartonnage cubique clos par une simple bande gommée, portant leur adresse en capitales écrites à la main : Mr. et Mrs. Arthur Lewis, 217E 37e Rue, New York. Norma le ramassa, tourna la clé dans la serrure et entra. La nuit tombait.

Quand elle eut mis les côtelettes d'agneau à rôtir, elle se confectionna un martini-vodka et s'assit pour défaire le paquet.

Elle y trouva une petite boîte en contreplaqué munie d'un bouton de commande...

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8. Dino Buzzati, «Les Souris », L’Écroulement de la Baliverna, 1954

Qu’est-il advenu de mes amis Corio ? Que se passe-t-il dans leur vieille maison de campagne qu’on appelle la Doganella ? Depuis bien longtemps ils m’invitaient chaque été pour quelques semaines. Cette année, pour la première fois, ils n’en ont rien fait. Giovanni m’a écrit quelques lignes d’excuse. Une lettre curieuse, faisant allusion d’une façon vague à des difficultés, des ennuis de famille, mais qui n’explique rien...

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11. Claude Seignolle, « Le meneur de loups », 1947

C'est sur la fin d'une journée de ce terrible hiver 1870, frappé d'un triple malheur : l'invasion, la famine et le froid, qui enfantent à leur tour cent et mille autres peines.

Ses grands doigts de glace profondément enfoncés dans la terre, le froid se cramponne sur la Sologne et s'attarde à pondre son frimas sur l'échine du pauvre monde.

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3. Guy de Maupassant, « La Mère Sauvage », 1884

Je n’étais point revenu à Virelogne depuis quinze ans. J’y retournai chasser, à l’automne, chez mon ami Serval, qui avait enfin fait reconstruire son château, détruit par les Prussiens.

J' aimais ce pays infiniment. Il est des coins du monde délicieux qui ont pour les yeux un charme sensuel ...

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6. Ray Bradbury, La Grande roue, 1981

La fête foraine était arrivée comme un vent d’octobre, comme le vol noir d’une chauve-souris sur le lac glacial, dans un concert nocturne d’os entrechoqués, de plaintes, de soupirs et de murmures tout le long des toiles de tentes battues par une pluie sombre. Elle devait rester un mois durant au bord du lac aux eaux grises et agitées, sous un ciel de plomb traversé d’orages de plus en plus violents.

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La Grande roue

9. Marguerite Yourcenar, « Comment Wang-Fô fut sauvé », Nouvelles orientales, 1936

Le vieux peintre Wang- Fô et son disciple Ling erraient le long des routes du royaume de Han.

Ils avançaient lentement, car Wang- Fô s’arrêtait la nuit pour contempler les astres, le jour pour regarder les libellules. Ils étaient peu chargés, car Wang- Fô aimait l’image des choses, et non les choses, et non les choses elles-mêmes, et nul objet au monde ne lui semblait digne d’être acquis, sauf des pinceaux, des pots de laque et d’encres de Chine, des rouleaux de soie et de papier de riz...

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12. Julio Cortàzar, « Continuité des parcs », Les Armes secrètes, 1959

Il avait commencé à lire le roman quelques jours auparavant. Il l’abandonna à cause d’affaires urgentes et l’ouvrit de nouveau dans le train, en retournant à sa propriété. Il se laissait lentement intéresser par l’intrigue et le caractère des personnages. Ce soir-là, après avoir écrit une lettre à son fondé de pouvoir et discuté avec l’intendant une question de métayage, il reprit sa lecture dans la tranquillité du studio, d’où la vue s’étendait sur le parc planté de chênes. Installé dans son fauteuil favori, le dos à la porte pour ne pas être gêné par une irritante possibilité de dérangements divers, il laissait sa main gauche caresser de temps en temps le velours vert. Il se mit à lire les derniers chapitres. Sa mémoire retenait sans effort les noms et l’apparence des héros. L’illusion romanesque le prit presque aussitôt...

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